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Le DU de formation d'animateurs/animatrices d'ateliers d'écriture d'Aix-Marseille
12 juillet 2014

Ouverture, par Anne Roche (Professeur émérite de l'Université d'Aix-Marseille)

                                       Ouverture

 

Au seuil de ces journées de « joyeux anniversaire », je voudrais tout d’abord souligner que les initiatives aixoises se sont d’emblée situées à la convergence de plusieurs courants de réflexion et d’intervention, qui sont représentés ici.

Le GFEN, avec Michel Neumayer (et nous y associons une pensée pour Odette Neumayer disparue l’an dernier), dont la devise, « Tous capables », est aussi la nôtre. Claudette Oriol-Boyer, de l’Université de Grenoble III, qui a été parmi les premières en France à lancer les ateliers d’écriture à l’Université, qui a dirigé en 1983, le premier colloque consacré aux ateliers d’écriture littéraire à Cerisy-la-Salle, colloque auquel participaient trois représentantes de « l’école d’Aix » :  Nicole Voltz, Andrée Guiguet, co-auteurs avec moi de L’Atelier d’écriture, et Geneviève Mouillaud. Claudette Oriol-Boyer, près de trente ans après, en 2011, a dirigé un nouveau colloque consacré aux Ateliers d’écriture littéraire, publié aux éditions Hermann en 2013, colloque auquel ont participé quatre Aixois, André Bellatorre, Corine Robet, Sylviane Saugues et moi-même.

Après cette « première génération », la relève est assurée notamment par Violaine Houdart-Merot et Christine Mongenot (Université de Cergy) qui ont entre autres mené une enquête sur les ateliers d’écriture dans les universités françaises,  organisé colloques et rencontres, publié Pratiques d’écriture littéraire à l’Université (Champion, 2013) ; Anne-Marie Petitjean, dans sa thèse soutenue en décembre 2013 à Cergy, a établi une étude comparative des ateliers aux États-Unis, au Québec et en France. Dimension internationale qui est attestée ici par la présence de Marc-André Brouillette, Professeur à l’Université du Québec à Montréal, d’Isabelle Dumas (doctorante à Montréal et Paris III), de Noëlle Mathis (Université d’Avignon et Simon Fraser University au Canada) de Sabeha Benmansour et Nahida Guellil (Université de Tlemcen.) Il faut signaler que pour les collègues algériennes, l’atelier répond à un problème précis et en partie différent du problème hexagonal : les jeunes Algériens ont tendance à rejeter le patrimoine et sa pluralité (y compris francophone), alors que l’atelier peut les aider à reconnaître l’altérité comme faisant partie de soi.

Mais de façon générale, on constate – et ces journées vont permettre de le mesurer – la multiplicité des objectifs, des désirs que chacun apporte dans l’atelier, qu’il soit animateur ou stagiaire, et la multiplicité aussi des positions d’animateurs : s’ils sont enseignants, en Université ou dans le secondaire, ils peuvent envisager l’écriture en atelier comme une manière de sauvegarder la classe de français, voire les études de lettres, périodiquement déclarées en péril. Cette multiplicité, nous l’avions déjà ressentie il y a vingt ans, devant le nombre de demandes qui nous parvenaient de tous côtés, en formation initiale comme en formation continue, et devant les publics les plus variés : et c’est face à cette demande que nous avons créé ce Diplôme Universitaire qui fête aujourd’hui ses vingt ans. Nicole Voltz en prit d’emblée la direction, bientôt rejointe par Philippe Cheminée, Annick Maffre, André Bellatorre, Corine Robet, Simone Molina, d’autres intervenants plus ponctuels, et c’est ce travail de vingt ans qui a cristallisé dans leur récent ouvrage Devenir animateur d’atelier d’écriture. La formation, longtemps menée par des chargés de cours, a abouti en 2011 à la création d’un poste de maître de conférences, assuré par Jean-Marc Quaranta qui organise ces journées avec l’équipe du D.U. Il convient d’ajouter que deux maîtres de conférences d’anglais,  Sara Greaves et Marie-Laure Schultze ici présente, ont suivi la formation du DU,  et ont créé dans leur département des ateliers d’écriture multilingues.

Bien d’autres sensibilités, d’autres approches, peuvent exister – mais on peut sans doute s’accorder sur ce qui constitue le socle de notre travail. Claire Boniface,  lors des premières Rencontres d’Aix (1983), posait comme exigence essentielle pour l’animateur : « savoir ce que l’on fait. » Exigence apparemment simple, mais qui pose question. Nous savons bien qu’une bonne part de nos motivations, de nos actions, et de leurs effets, nous échappe, nous avons appris à nous défier des fantasmes de contrôle, de maîtrise. Et en même temps, nous avons appris, parfois à nos dépens, que l’écriture, c’est de la dynamite, et que toucher à l’écriture, en atelier ou ailleurs, c’est courir le risque  de déclencher des phénomènes qu’on ne maîtrisera pas. D’où l’utilité, voire la nécessité de travailler avec des psy (je m’arrête volontairement sur ce préfixe), avec des gens formés en psy, territoire que Simone Molina délimite fort bien dans l’ouvrage collectif Devenir animateur…

L’intuition de base de l’atelier reste de donner l’initiative aux mots ET

l’initiative à la personne, avec une triple articulation. Articulation à la contrainte : nous avons écrit dans notre Atelier d’écriture « la contrainte est la liberté »,  phrase qui peut rendre un son orwellien (on se souvient que dans le roman d’Orwell, 1984, les mots sont métamorphosés, inversés, le très redouté ministère de la répression s’intitule « Ministère de l’Amour ») mais qui signifie seulement que la contrainte scripturale libère de « l’angoisse de la page blanche ». Articulation avec l’institution scolaire, à tous les niveaux, de l’école primaire à l’Université : nous nous sommes toujours opposés à la conception qui a été celle d’Elisabeth Bing, jadis, à savoir que l’atelier réparerait les dégâts de l’école. « Division du travail » pour nous inacceptable, l’école ne doit pas être conçue comme le lieu d’une norme abêtissante que l’atelier viendrait compenser. Enfin, articulation avec d’autres institutions que l’institution scolaire, par des interventions en milieu hospitalier, où la dimension thérapeutique peut ou non être mise en avant, en prison (cf. Prison de François Bon), en entreprise, en stage de réinsertion, etc. De façon générale, l’atelier doit être vu comme porteur d’une dimension sociale : il s’agit de ne pas penser « l’individu » ou « le moi » en opposition avec le collectif ou le social, mais de parvenir à une relation dialectique entre les « papiers de soi » et « écrire le monde. » Et par exemple, l’atelier peut avoir des connexions avec l’histoire orale, comme en témoignent divers projets européens,  en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, en Pologne…  qui sont à la fois mémoire du passé, recueil de témoignages sur le passé, mais aussi valorisation des témoins, qui contribuent ainsi à la construction du savoir, et élaboration d’un savoir sur le présent et sur l’avenir.

          En 2014 est célébré un autre anniversaire, celui de la guerre de 1914. L’atelier n’est sûrement pas une alternative à la guerre – ce serait trop beau – mais il peut aider chacun de nous à mieux se comprendre soi-même et par là à mieux comprendre les autres, et à accepter les différences – ce qui, par les temps qui courent, est précieux.

 

Anne Roche

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